Un autre monde…

est possible

Menu

  • Combattre la situation
  • Altermondialisme
  • Faire la société
  • Le commun
  • Retrouver l’utopie
  • Luttes de contention et dynamiques de construction
  • Défendre ou résister ?

Publié avril 2024

Vouloir un autre monde, c’est chercher à mettre un terme à la dynamique d’accumulation insatiable de l’argent qu’est le capitalisme.

Pas uniquement agir sur les relations liées à cette course sans fin, pas uniquement chercher à les rendre plus acceptables, plus vivables, plus humaines.

Il faut s’extirper d’une situation qu’est la marchandisation capitaliste. Cette situation engendre ses propres acteurs, ceux qui lui sont nécessaires : le capitalisme crée les capitalistes et les prolétaires, nous rappelle Cornelius Castoriadis. Ce n’est donc pas tant le dominant qu’il faut combattre que la situation qui crée le dominant et le dominé.


Publié mai 2024

Communément aujourd’hui, l’altermondialisme est considéré comme un mouvement pour qui une autre organisation du monde est possible, en somme une autre mondialisation est possible, et qu’il s’agirait de la réguler. C’est effectivement une lecture plausible. Il me semble pourtant qu’elle fait l’impasse de la richesse, de la fécondité du coup de force qui a eu lieu lorsque le mouvement a réussi à prescrire le mot altermondialisme à la place d’antimondialisation.

Lorsque les journalistes couvrent les manifestations à Seattle, les 29 et 30 novembre 1999, à l’occasion de la troisième conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ils les présentent comme l’expression de l’antimondialisation : elles s’opposent à la mondialisation prônée par l’OMC. Or, le tour de force sémantique des opposants sera d’imposer le terme altermondialisme. Altermondialisme et non altermondialisation. Il ne s’agissait pas tant d’insister sur une autre mondialisation que sur un autre monde. Un autre monde est possible.

De là, certains se sont pourtant bornés à maintenir l’altermondialisme dans le cadre restreint de l’altermondialisation tandis que d’autres insistaient au contraire sur cet autre monde à construire. C’est cette dernière lecture qui est la mienne lorsque je m’affiche altermondialiste. Un autre monde, on pourrait encore dire « une autre société », est à construire. Il est à bâtir en-dehors du capitalisme. Il se doit même d’être post-capitaliste. L’ambition est ni plus ni moins que de construire l’après-capitalisme.

Bâtir un autre monde, c’est changer d’imaginaire, et bâtir un autre imaginaire, c’est changer le monde.


Avec les mouvements sociaux et le collectif de la transition citoyenne In L’économie solidaire en mouvement

des citoyens ressentent la nécessité d’un contre-projet global pouvant être opposé au modèle dominant. Il flotte dans l’air comme un besoin d’utopie. Est-ce raisonnable ? Les précédentes utopies n’ont-elles pas, pour la plupart, sombré dans la dictature, la répression et le mensonge ? Rien n’y fait. Contre tous les discours qui prônent la nécessité de s’adapter, beaucoup de citoyens demeurent à la recherche d’un « agir ensemble ».

Ignacio Ramonet
Le Monde diplomatique Mai 1998
Un autre monde est possible

Publié avril 2024

il faut « cesser de répéter que la “prise de pouvoir politique” est la panacée », sortir du romantisme marxiste des bolcheviks qui « ont été trop esclaves de la doctrine ancienne ; [qui] ont cru que le pouvoir politique, la loi, le décret, pourvu que ce fût eux qui les promulguassent, pouvaient forger la société nouvelle ».

Marcel Mauss
Appréciation sociologique du bolchevisme

il faut le prendre fort de l’idée centrale « que l’humanité a devant elle un vrai avenir, et que cet avenir n’est pas simplement à penser,
mais à faire ».

Cornelius Castoriadis
L’Institution imaginaire de la société

Le citoyen-électeur

Le citoyen peut s’entendre de deux manières différentes. Celui qui vote et élit ses représentants et les charge de le représenter dans le contrôle du pouvoir. Le pouvoir est alors entendu comme pouvoir d’État. C’est sur cette vision que fonctionnent nos démocraties libérales.

Il n’est cependant pas rare que le citoyen ne se sente par vraiment représenté, et estime que ses élus n’en font qu’à leur tête. D’où des slogans comme élection piège à cons, ou des boutades comme La dictature c’est “ferme ta gueule” ; la démocratie c’est “cause toujours”. D’où aussi la volonté de prendre le pouvoir, par les élections, ou par la révolution. Rien n’est moins sûr toutefois, comme le souligne Mauss, que cela suffise à créer la société nouvelle.

Le citoyen-acteur

Une autre manière d’appréhender le citoyen est son pouvoir d’agir. Il est celui qui peut participer à une association, une entreprise et de manière plus générale peut s’impliquer dans sa vie par des actions concrètes. Il lui est possible d’agir politiquement par ses choix du quotidien. Bien entendu, il ne s’agit pas ici de fermer le robinet ou de régler la température de ses radiateurs (quand bien même cela a son importance), mais de s’impliquer dans des coopératives, dans des associations, voire dans des zad, c’est-à-dire dans des alternatives concrètes.

Il s’agit ici de reprendre pouvoir sur sa vie, non d’espérer en la bonne volonté d’un gouvernement, non d’attendre les miracles d’un grand soir. Ces formes d’action deviennent des bulles d’essai d’un autre monde, une préfiguration d’un possible. À quoi ressemblera la société nouvelle ? Très fort est celui qui le sait. On peut seulement parier qu’elle éclora du foisonnement de ces pratiques alternatives. La société humaine a devant elle un avenir, il est à faire.


Publié avril 2024, mis à jour mai 2024

Si l’objectif politique que nous nous donnons est celui de faire société, il nous faut passer du stade du je à celui du nous, du piège de l’ego aux perspectives du commun.

Le commun est à entendre comme concept politique. Il est le principe de gouvernement en commun portant sur un objet à gouverner, à gérer en commun, sur l’usage qui en est fait. Il est tout autant co-obligation que co-activité. L’objet lui-même est encore appelé commun. L’obligation politique procède alors de l’agir commun ; autrement dit, c’est parce qu’il y a co-activité, co-pratique, que l’on s’oblige en commun.

Le commun regroupe donc des coproducteurs (et de manière plus générale des citoyens) qui oeuvrent ensemble en se donnant à eux-mêmes des règles collectives en vue de gérer un usage. Ces règles collectives et l’objet d’usage sur lequel elles portent forment le commun.

De la sorte, si le commun, principe politique, doit être reconnu intellectuellement et pratiquement, chaque commun (objet pris en charge collectivement) doit être institué, avec ses règles et ses pratiques ; il s’agit de régler l’usage de chaque commun selon le principe politique du commun. Notons qu’il n’est pas question ici de propriété, d’une forme quelconque de propriété, mais seulement d’un usage commun de chaque commun, soit une pratique collective qui institue les règles d’usage de l’objet pris en charge collectivement, qui les interroge en permanence et les adapte régulièrement.

Sûrement, ce commun se doit d’être respectueux de l’individu et de sa liberté, cela va sans dire et mieux en le disant au vu du passé, il reste toutefois l’horizon d’un combat pour un autre monde. Il faut veiller en effet à ce que la liberté arrachée à la classe dominante, l’émancipation, que complète maintenant le souci justifié de déconstruction, ne se transforment pas en obsessions coupables occultant la seule perspective qui vaille : celle de fonder du commun. Le chemin vers un autre monde ne se fera pas en épousant les ressorts mêmes du système pour qui la liberté individuelle est l’unique valeur qui compte – après l’argent, et au nom de l’argent.

Sur la base de Révolutionner la gauche

Si l’agir commun est un agir instituant, c’est précisément parce qu’il consiste en la production de normes juridiques qui obligent tous les coproducteurs en tant même que coproducteurs au cours de l’accomplissement de leur tâche.


Pierre Dardot et Christian Laval
Commun, Essai sur la révolution au XXIe siècle

Publié avril 2024

Sans utopie, nous ne savons pas où aller, sans idéologies, nous ne savons pas comment y aller. Tout mouvement est mouvement vers.

Vouloir un autre monde, c’est vouloir aller vers le dépassement du capitalisme et pas seulement refuser ce qui est. Bouger, ne pas être statique.

Et pour bouger, il faut savoir où aller, avoir une utopie. L’utopie est une vision du futur sur laquelle une société peut fonder ses idéaux et ses espérances, et de là orienter son action.

Mais une utopie en permanence questionnée, réajustée selon le retour d’expérience. C’est là où nous nous sommes trompés avec l’utopie marxiste, nous l’avons érigée en vérité absolue, sans remise en cause possible, sans réajustement possible.


Publié avril 2024

Les luttes de contention sont tout ce qu’on érige pour contenir le capitalisme, tout ce qui est de l’ordre du refus du capitalisme. Ce sont globalement les luttes du mouvement social.

Les dynamiques de construction sont tout ce qui se construit dans les interstices et marges du capitalisme. Elles cherchent à faire autrement.

Dans la perspective d’un autre monde, les premières ne sont pas une finalité en soi. Au-delà des acquis immédiats, elles ont pour vocation de permettre aux secondes de s’épanouir. C’est pourquoi il est indispensable de poursuivre les complémentarités qu peuvent exister entre les luttes qui contiennent l’avancée du capitalisme et les dynamiques de construction d’autre chose, cet autre chose qui préfigurera peut-être un autre monde.

Publié mai 2024

Si refuser, dire non, c’est déjà un pas pour remettre en cause la société dans laquelle nous vivons, peut-on se contenter de refuser seulement ? La question est vieille comme la contestation du capitalisme et ne cesse de rebondir régulièrement. De la façon d’y répondre toutefois oriente les actions que nous menons.

La résistance signifie que la bataille, à supposer qu’elle ait eu lieu, a déjà été perdue et qu’on peut seulement s’efforcer de résister désespérément à l’immense pouvoir qu’on attribue à l’autre camp. La défense, en revanche, signifie qu’il y a déjà une chose dans notre camp qu’on possède, qu’on aime, qu’on chérit, et qui mérite donc qu’on se batte pour elle.


Kristin Ross
La forme-Commune
La lutte comme manière d’habiter